A propos de la prostitution
La prostitution n'est pas une activité banale
La prostitution n'est pas une activité" banale". Le choix de se référer pour la France, et pour l'Amicale du nid, au régime abolitionniste permet de maintenir une position équilibrée : prendre en compte la prostitution de manière spécifique et attentive, et en même temps empêcher la stigmatisation et la marginalisation induite par l'incrimination des personnes prostituées.
Prohibitionnisme, règlementarisme et abolitionnisme
Les positions des Etats relatives au « système prostitutionnel » tiennent compte de considérations culturelles, politiques et juridiques.
Trois régimes juridiques peuvent être mis en œuvre : le prohibitionnisme, le règlementarisme ou l'abolitionnisme.
Dans les pays prohibitionnistes, la prostitution est interdite et criminalisée. Le support de l'interdiction est l'incrimination de la prostitution et les sanctions contre les personnes prostituées (ou visant les clients de la prostitution, comme en Californie.)
Tel est le cas, notamment, en Arabie Saoudite, Corée du sud, Algérie, Egypte, Maroc, Tunisie, Chine et dans la quasi-totalité des États-Unis.
Dans les pays réglementaristes, la prostitution fait l'objet d'un encadrement sanitaire et social de la part des autorités.
Les personnes prostituées, ainsi que les lieux d'activité, doivent faire l'objet d'un enregistrement et leur activité peut être reconnue comme un métier.
Tel est, par exemple, le modèle mis en œuvre aux Pays-Bas, en Allemagne, en Turquie, en Hongrie, en Grèce, en Autriche ou en Suisse.
Dans les pays abolitionnistes, la prostitution est légale
Les pays abolitionnistes, comme la France ou la Belgique ne rendent pas la prostitution illégale. Si la prostitution privée est licite, le racolage dans l'espace public est en général interdit, de même que toutes les formes de proxénétisme, allant de la simple assistance apportée à une personne prostituée à l'exercice d'une contrainte.
La doctrine abolitionniste vise à abolir toute forme de réglementation de la prostitution, dans le but de ne pas encourager celle-ci par une quelconque reconnaissance juridique.
Elle considère les personnes prostituées comme des victimes, et entend prévenir l'entrée dans la prostitution et favoriser la réinsertion des personnes prostituées.
Au cours de son histoire, la France a mis en oeuvre toutes les doctrines en matière de prostitution
Avant d'adopter une position abolitionniste en 1946, la France a mis en œuvre toutes les doctrines en matière de prostitution, notamment le prohibitionnisme et le réglementarisme entre le Moyen Âge et le XIXe siècle.
Le paysage de la prostitution en France avait profondément évolué depuis le début du 19ème siècle.
La prostitution et les maisons closes jouissaient alors d'un statut social proche du réglementarisme moderne. Cette activité faisait partie de la vie sociale, les adolescents y avaient fréquemment recours pour l'initiation à la vie sexuelle, les personnalités y faisaient référence également sans détour.
A partir de 1815, les règlements de police se durcissent et en 1850 apparaît « le règlement de filles publiques et des maisons de prostitution ».
La réalité des lieux de prostitution était alors très variable. Ces établissements allaient de « la maison d'abattage » dont les personnes prostituées ne sortaient que très peu, au cabaret « belle époque » et au salon pour « courtisanes ».
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la loi du 13 avril 1946, dite loi « Marthe Richard » provoque la fermeture des maisons de tolérance et réprime plus sévèrement encore le proxénétisme.
Mais les mesures de contrôle sanitaires sont maintenues par le vote de la loi du 24 avril 1946 sur la prophylaxie des maladies vénériennes. Un fichier sanitaire et social des personnes prostituées est même instauré.
La position abolitionniste de la France fut confirmée par la ratification, le 19 novembre 1960, de la Convention internationale des Nations unies pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui du 2 décembre 1949.
L'article 6 stipule que « chacune des Parties à la présente Convention convient de prendre toutes les mesures nécessaires pour abroger ou abolir toute loi, tout règlement et toute pratique administrative selon lesquels les personnes qui se livrent ou sont soupçonnées de se livrer à la prostitution doivent se faire inscrire sur des registres spéciaux, posséder des papiers spéciaux, ou se conformer à des conditions exceptionnelles de surveillance ou de déclaration ».
Le fichier sanitaire et social des personnes prostituées, qui recensait près de 30 000 personnes prostituées, est ainsi supprimé en 1960. Les obligations de contrôle pesant sur les personnes prostituées sont également supprimées par les ordonnances du 25 novembre 1960.
A partir de 1946, la prostitution se déplace dans les rues et les bars des quartiers mal réputés des villes françaises et la prostitution est considérée comme une activité honteuse.
Dans les années 70, un mouvement de contestation des personnes prostituées émerge à Lyon. Sa représentante emblématique est Ulla. Les revendications tiennent alors plus au statut social de la personne prostituée qu'à la réouverture des maisons closes.
L'activité prostitutionnelle témoigne d'une évolution qui rend compte des difficultés économiques
L'activité prostitutionnelle dans son ensemble témoigne d'une évolution qui rend compte des difficultés économiques croissantes et du nombre important de personnes qui y ont recours, de façon occasionnelle ou régulière, pour subsister ou pour pouvoir consommer des biens hors de portée financièrement.
La prostitution en milieu étudiant existe depuis longtemps mais prend de nos jours une ampleur significative.
Les réseaux sociaux permettent une activité à priori plus "soft" qui favorise les premiers pas.
Les mineurs en fugue sont maintenant reconnus comme groupe à risque au regard de cette problématique, et les professionnels du secteur social dans son ensemble témoignent d'une plus grande difficulté à travailler de manière préventive auprès des jeunes.
L'hyper sexualisation de la société de consommation et en premier lieu des médias banalisent à l'extrême le corps humains et son utilisation.
Ceci signifie sans doute que le phénomène de la prostitution est un fait sociétal structurel de la vie en société, l'expression également de la conception des rapports humains et de genre au sein de la société française.
Le regard qu'y portent le législateur et la société civile témoigne de l'orientation prise sur les questions de désir, de précarité, de marchandisation, de sexualité et de rapports de domination.
L'emprise croissante des réseaux de traite des êtres humains
Les années 1990 constituent un tournant en matière de prostitution.
Les changements politiques dans l'Est de l'Europe, notamment, provoquent l'arrivée de personnes originaires de ces pays sur les trottoirs des villes françaises. Puis la nationalité des personnes prostituées étrangères s'est diversifiée, avec l'afflux de femmes africaines puis chinoises.
Dans des conditions de grande violence, des réseaux de traite des êtres humains recrutent abusivement les victimes et les transportent afin de les soumettre à une exploitation sexuelle dans différents pays.